Cette interview mensuelle est réalisée en lien avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le CNLE. Retrouvez ci-dessous, après l'article, les thèmes sur l'exclusion analysés par nos précédents invités.
Votre rapport, avec celui d’Emmaüs et de Médecins du monde, est un document très attendu, basé sur des observations de 2014. Comment procédez-vous ?
Chaque année, ce travail est une œuvre collective, basé sur nos statistiques d’accueil. Notre association, ce sont 67.400 bénévoles qui agissent au sein de 1 670 équipes locales sur l’ensemble du territoire. Tous participent à ce travail d’analyse : nous disposons ainsi de 92.500 fiches statistiques. L’Insee estime à 2,1 millions de personnes qui vivent en France sous le seuil d’extrême pauvreté. Le Secours catholique en rencontre de l’ordre de 1,5 million. 95 % des personnes que nous rencontrons vivent sous le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, 75 % vivent sous le seuil de grande pauvreté à 40 % du revenu médian. Notre rapport apporte donc des éléments de compréhension objectifs de cette situation terrible et dramatique que rencontrent les personnes en grande pauvreté et exclusion sociale.
Quels enseignements apporte ce rapport sur l’évolution de la pauvreté ?
Nous constatons que le niveau de vie médian a très légèrement augmenté ce qui est plutôt positif… mais il n’a augmenté que de 35 € en quatre ans ! Cela ne change donc pas fondamentalement les conditions de vie des personnes d’autant que la part des personnes sans ressources financières augmente. La perspective de s’en sortir semble s’éloigner définitivement pour un grand nombre d’entre elles. Le dispositif de formation professionnelle, qui est censé augmenter les chances du retour à l’emploi, ne fonctionne pas bien puisque seulement 20 % des personnes que nous rencontrons en bénéficient. Nous observons par ailleurs une augmentation du nombre de personnes de nationalité étrangère qui représentent un tiers des personnes que nous accompagnons – elles représentaient 20 % dans les années 2000. Cette donnée interroge notre capacité d’intégration et de promotion des personnes arrivant sur notre territoire, d’autant qu’un grand nombre d’entre elles est présent depuis plus de deux ans.
Chaque année, ce travail est une œuvre collective, basé sur nos statistiques d’accueil. Notre association, ce sont 67.400 bénévoles qui agissent au sein de 1 670 équipes locales sur l’ensemble du territoire. Tous participent à ce travail d’analyse : nous disposons ainsi de 92.500 fiches statistiques. L’Insee estime à 2,1 millions de personnes qui vivent en France sous le seuil d’extrême pauvreté. Le Secours catholique en rencontre de l’ordre de 1,5 million. 95 % des personnes que nous rencontrons vivent sous le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, 75 % vivent sous le seuil de grande pauvreté à 40 % du revenu médian. Notre rapport apporte donc des éléments de compréhension objectifs de cette situation terrible et dramatique que rencontrent les personnes en grande pauvreté et exclusion sociale.
Quels enseignements apporte ce rapport sur l’évolution de la pauvreté ?
Nous constatons que le niveau de vie médian a très légèrement augmenté ce qui est plutôt positif… mais il n’a augmenté que de 35 € en quatre ans ! Cela ne change donc pas fondamentalement les conditions de vie des personnes d’autant que la part des personnes sans ressources financières augmente. La perspective de s’en sortir semble s’éloigner définitivement pour un grand nombre d’entre elles. Le dispositif de formation professionnelle, qui est censé augmenter les chances du retour à l’emploi, ne fonctionne pas bien puisque seulement 20 % des personnes que nous rencontrons en bénéficient. Nous observons par ailleurs une augmentation du nombre de personnes de nationalité étrangère qui représentent un tiers des personnes que nous accompagnons – elles représentaient 20 % dans les années 2000. Cette donnée interroge notre capacité d’intégration et de promotion des personnes arrivant sur notre territoire, d’autant qu’un grand nombre d’entre elles est présent depuis plus de deux ans.
« 72 % limitent leurs déplacements »
Vous avez choisi d’observer les questions de mobilité…
C’est en effet une problématique peu observée dont les conséquences sont extrêmement dommageables. Les personnes en précarité nous disent accéder difficilement à la mobilité. Privées de voiture, parfois sans permis, elles doivent effectuer leurs trajets à pied, vont chercher les transports en commun même lorsqu’ils sont éloignés. Contraintes pour effectuer leurs courses, rechercher un emploi, mener des démarches administratives et se soigner, elles se démènent jusqu’à l’épuisement, parfois même jusqu’au découragement. Au seuil de pauvreté de 1 000 €, elles n’ont pas de voiture ou doivent l’abandonner n’ayant plus les moyens de l’entretenir. Malgré tout, elles se démènent fortement pour accéder au travail, accomplir les très nombreuses démarches administratives. Les personnes en précarité, qui ont moins de 60 ans, sont particulièrement impactées par les difficultés de mobilité : 72 % d’entre elles limitent leurs déplacements. Travaillant souvent en horaires décalés et emplois atypiques, elles sont confrontées à l’éloignement des transports en commun, du manque de desserte et d’horaires de certaines zones, du manque de places en crèche ou de modes de garde pour leur enfant.
Vous avez choisi de vous référer au budget de référence élaboré par l’Onpes, Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (1). Quels enseignements ?
L’Onpes a proposé ce budget, en calculant les dépenses qui permettent de vivre mais aussi de participer pleinement à la vie sociale, une démarche que nous trouvons très pertinente. Ainsi, le budget considéré comme le revenu de minimum décent par l’Onpes, pour une famille monoparentale, avec deux enfants, est estimé à 1 600 €. Or, le revenu médian des personnes que nous accompagnons se situe autour de 1 263 €. Elles sont donc contraintes de faire des choix. Nous observons que ces choix ne se font pas sur des dépenses superflues, mais bien sur l’essentiel : la santé, la vie sociale, les frais d’équipement, l’habillement, l’alimentation, le transport… Avec derrière, une augmentation des frais de banque, avec pénalités et agios occasionnés par l’endettement.
C’est en effet une problématique peu observée dont les conséquences sont extrêmement dommageables. Les personnes en précarité nous disent accéder difficilement à la mobilité. Privées de voiture, parfois sans permis, elles doivent effectuer leurs trajets à pied, vont chercher les transports en commun même lorsqu’ils sont éloignés. Contraintes pour effectuer leurs courses, rechercher un emploi, mener des démarches administratives et se soigner, elles se démènent jusqu’à l’épuisement, parfois même jusqu’au découragement. Au seuil de pauvreté de 1 000 €, elles n’ont pas de voiture ou doivent l’abandonner n’ayant plus les moyens de l’entretenir. Malgré tout, elles se démènent fortement pour accéder au travail, accomplir les très nombreuses démarches administratives. Les personnes en précarité, qui ont moins de 60 ans, sont particulièrement impactées par les difficultés de mobilité : 72 % d’entre elles limitent leurs déplacements. Travaillant souvent en horaires décalés et emplois atypiques, elles sont confrontées à l’éloignement des transports en commun, du manque de desserte et d’horaires de certaines zones, du manque de places en crèche ou de modes de garde pour leur enfant.
Vous avez choisi de vous référer au budget de référence élaboré par l’Onpes, Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (1). Quels enseignements ?
L’Onpes a proposé ce budget, en calculant les dépenses qui permettent de vivre mais aussi de participer pleinement à la vie sociale, une démarche que nous trouvons très pertinente. Ainsi, le budget considéré comme le revenu de minimum décent par l’Onpes, pour une famille monoparentale, avec deux enfants, est estimé à 1 600 €. Or, le revenu médian des personnes que nous accompagnons se situe autour de 1 263 €. Elles sont donc contraintes de faire des choix. Nous observons que ces choix ne se font pas sur des dépenses superflues, mais bien sur l’essentiel : la santé, la vie sociale, les frais d’équipement, l’habillement, l’alimentation, le transport… Avec derrière, une augmentation des frais de banque, avec pénalités et agios occasionnés par l’endettement.
« Il y a une vraie volonté de s’insérer »
Que répondez-vous à celles et ceux qui parlent d’assistanat ?
Qu’ils se trompent ! Contrairement à certains préjugés, il ressort de l’enquête que les personnes en précarité sont prêtes à passer beaucoup de temps à marcher, à se déplacer avec les transports en commun pour ne faire parfois que quelques heures de travail alors qu’elles obtiennent un niveau de revenu quasiment similaire à celui qu’apportent les allocations. 30 % des personnes interrogées ont des horaires de travail décalés ou atypiques avec quelques jours de ménage dans une maison, quelques heures dans une autre, parfois très éloignée. Il y a une vraie volonté de s’insérer et un désir très fort de conserver ces revenus minimes, de rester actif professionnellement… d’être considéré dignement.
Que devient ce rapport ?
Il a été présenté au CNLE, remis au gouvernement ainsi qu’aux députés pour que les membres du parlement soient informés de la situation que nous révélons. Il sert de base pour les discussions que nous avons avec l’administration, les associations, le gouvernement et alimente nos actions. L’intérêt de ce rapport est de porter à la connaissance des observations réalisées en 2014 alors que l’Insee publie à partir de données de 2013. Il permet de formaliser des préconisations et réponses d’urgence pour inciter les pouvoirs publics à réagir. Il constitue avec les rapports d’autres associations, un premier niveau d’alerte.
Nous élisons les conseillers régionaux. En quoi les régions peuvent-elles agir ?
Très directement, sur la formation professionnelle, qui est l’une des compétences des régions. Les possibilités d’obtenir une qualification professionnelle sont encore trop faibles pour les personnes en situation de précarité puisque seul 1 % des personnes rencontrées dans nos accueils étaient, en 2014, en formation. Les régions ont aussi les moyens d’agir pour permettre aux personnes en situation de précarité, d’accéder à la mobilité. Ce sont les messages que notre présidente, Véronique Fayet, a rappelé aux candidats, à l’occasion de la parution de notre rapport.
1. -Voir notre interview de Jérôme Vignon : Les chiffres oublient des besoins essentiels
Qu’ils se trompent ! Contrairement à certains préjugés, il ressort de l’enquête que les personnes en précarité sont prêtes à passer beaucoup de temps à marcher, à se déplacer avec les transports en commun pour ne faire parfois que quelques heures de travail alors qu’elles obtiennent un niveau de revenu quasiment similaire à celui qu’apportent les allocations. 30 % des personnes interrogées ont des horaires de travail décalés ou atypiques avec quelques jours de ménage dans une maison, quelques heures dans une autre, parfois très éloignée. Il y a une vraie volonté de s’insérer et un désir très fort de conserver ces revenus minimes, de rester actif professionnellement… d’être considéré dignement.
Que devient ce rapport ?
Il a été présenté au CNLE, remis au gouvernement ainsi qu’aux députés pour que les membres du parlement soient informés de la situation que nous révélons. Il sert de base pour les discussions que nous avons avec l’administration, les associations, le gouvernement et alimente nos actions. L’intérêt de ce rapport est de porter à la connaissance des observations réalisées en 2014 alors que l’Insee publie à partir de données de 2013. Il permet de formaliser des préconisations et réponses d’urgence pour inciter les pouvoirs publics à réagir. Il constitue avec les rapports d’autres associations, un premier niveau d’alerte.
Nous élisons les conseillers régionaux. En quoi les régions peuvent-elles agir ?
Très directement, sur la formation professionnelle, qui est l’une des compétences des régions. Les possibilités d’obtenir une qualification professionnelle sont encore trop faibles pour les personnes en situation de précarité puisque seul 1 % des personnes rencontrées dans nos accueils étaient, en 2014, en formation. Les régions ont aussi les moyens d’agir pour permettre aux personnes en situation de précarité, d’accéder à la mobilité. Ce sont les messages que notre présidente, Véronique Fayet, a rappelé aux candidats, à l’occasion de la parution de notre rapport.
1. -Voir notre interview de Jérôme Vignon : Les chiffres oublient des besoins essentiels
Informations pratiques
Le site du Secours Catholique Lire le rapport « La fracture mobilité »
Tél. : 01 45 49 73 00
Daniel Verger
Né en Anjou en 1961, Daniel Verger a suivi des études à l’ESSCA, école de commerce de l’institut catholique d’Angers avant de passer un DEA en socio-économie du développement. Il commence sa carrière en 1984 en tant qu’animateur à l’action internationale au sein de la délégation de Paris du Secours catholique-Caritas France, puis au siège comme chef du service Études et information du secteur action internationale. Entre 1991 et 1995, il exerce comme coordinateur à Caritas Mali puis, de 1995 à l’été 2002, comme directeur général de Caritas Mauritanie. En 2003, il devient directeur pour l’international au Secours catholique–Caritas France, et dirige pendant sept ans une équipe de 70 salariés et 80 bénévoles, qui mène près de 500 projets dans 70 pays, ainsi que des activités de plaidoyer et d’éducation au développement. Il représente le Secours catholique au Conseil d’administration de la Délégation catholique pour la coopération (DCC) et prend les fonctions de membre du bureau exécutif de Concord en 2010.